Le 4 novembre, la Chaire de recherche du Canada sur les arts et les littératures numériques (ALN|NT2), en collaboration avec The Next, lançait exPhrasis. L’exposition en ligne — offerte en italien, français et anglais — est, comme l’explique sa créatrice Alexandra L. Martin, « conçue comme une exploration du corps dans le cyberespace. Inspirée des fictions interactives d’abord élaborées dans les années soixante-dix, l’espace de l’exposition ainsi que les œuvres ne se dévoilent qu’en réponse aux gestes physiques — le clavardage, le clic, la navigation — de l’internaute, menant à une incursion dans l’interactivité cybernétique. » En plus de la narration, trois œuvres numériques se retrouvent dans le parcours de l’exposition : I’m Feeling Lucky de Timothy Tomasson, Intermittence de Léa Martin et De quel côté de Frédérick Maheux et Gabriel Tremblay-Gaudette.

au milieu d'une pièce sombre se tient un corps blanc. Du rouge couvre sa tête et son torse.
Capture d’écran de l’œuvre De quel côté de Frédérick Maheux et Gabriel Tremblay-Gaudette.

Narration inquiétante

Tout au long de l’exposition, une voix narrative s’adresse directement à la personne derrière l’écran par le biais de l’écriture. Elle lui pose des questions, lui ordonne de faire certaines actions ou encore l’informe sur la situation dans laquelle elle se trouve. La narration est pleine de mystère, plusieurs questions restent sans réponse et le récit demeure ambigu. Le seul personnage dont il est question est tantôt une chose, tantôt une créature, parfois même une silhouette de sable sans tête. L’environnement dans lequel le récit se situe est inconnu, la narration nous indique toutefois que le sol est instable, que le brouillard empêche de bien voir et que des bruits agressants se font entendre. Après quelques minutes, la quête se précise : il faut amasser trois objets pour pouvoir rejoindre la sortie.

Capture d’écran de l’exposition exPhrasis.

Exposition interactive

exPhrasis requiert la collaboration de l’internaute pour faire avancer le récit. La première page se présente comme une fiche de codes, sur laquelle il faut cliquer plusieurs fois pour agrandir la page jusqu’à ce que celle-ci disparaisse pour laisser place aux instructions. Dans la barre de contrôle qui se trouve sous le texte, l’utilisateur·ice a l’option d’écrire « regarder », « examiner », « inventaire », « droite », « gauche » et « avant ». L’œuvre facilite également la tâche à son public puisqu’elle affiche « il y a un temps pour toute chose » ou répète la phrase précédente si la commande choisie n’est pas possible dans le contexte présent. Il est également possible de taper « aide » pour avoir une meilleure piste. Bien que l’exposition mène parfois à différentes pages, la narration depuis le commencement est toujours affichée, permettant ainsi de remonter la page pour trouver des informations qui pourraient être utiles à la quête.

Capture d’écran de l’œuvre I’m Feeling Lucky de Timothy Thomasson.

Œuvres numériques

Chacune des œuvres présentes dans l’exposition est très différente des autres. La première, Intermittence de Léa Martin, apparaît à la personne derrière l’écran comme une simple horloge digitale. L’heure qui s’affiche varie d’un parcours à l’autre et, en l’absence d’information, amène à se questionner sur ce qui s’est passé à ce moment. En réalité, ces heures sont les instants dans une journée où l’artiste a porté attention au moment présent. La deuxième œuvre, intitulée Which Way, requiert à l’utilisateur·ice de cliquer à gauche ou à droite de l’écran. À chaque clic, une partie du récit narrée par une silhouette féminine dont on ne voit pas le visage s’affiche. Celle-ci raconte l’histoire de son expérience avec une dangereuse créature. Finalement, Timothy Thomasson présente I’m Feeling Lucky, une vidéo contemplative dans laquelle se trouve des photographies de personnes au visage brouillé sur un paysage naturel. Malgré leurs différences, les trois œuvres s’intègrent bien dans l’exposition et ajoutent un visuel intéressant à l’écriture d’Alexandra L. Martin.

Bref, la Chaire de recherche du Canada sur les arts et les littératures numériques et ses collaborateur·ice·s offrent une expérience riche artistiquement, dans laquelle l’alliance littérature et art hypermédiatique se fait parfaitement. Grâce à sa formule interactive, ainsi qu’au mystère de la narration, exPhrasis a des airs de livres dont vous êtes le héros en donnant envie de s’impliquer dans le récit.

Titre : exPhrasis
Autrice : Alexandra L. Matin
Artistes : Gabriel Tremblay-Gaudette, Frédérick Maheux, Léa Martin et Timothy Tomasson
Commissariat : Gina Cortopassi et Alexandra L. Martin (ALN|NT2)
Développement : Ariane Guay et John Boyle-Singfield (ALN|NT2)
Correction : Martyna Kander (IT), Gina Cortopassi (FR) et Alexandra L. Martin (EN)

Partenaire de production : Chaire de recherche du Canada sur les arts et les littératures numériques (ALN|NT2) et Association étudiante des cycles supérieurs en études littéraires (AECSEL|UQÀM)
Diffuseur : The Next
Date de parution :  4 novembre
Lien vers l’exposition : https://exphrasis.com/
Type d’oeuvre : Exposition numérique, Littérature hypermédiatique

0 Shares:
Vous aimerez aussi...
Lire plus

Le Novendécaméron

Le Novendécaméron regroupe 22 récits, essais, poèmes et images créés durant les confinements successifs de la pandémie mondiale de la COVID-19. Le projet reprend le flambeau de l’Heptaméron et du Décaméron, deux recueils de nouvelles datant respectivement du XVIe et du XIVe siècle.
Le livre L'île inventée, ouvert, laisse voir une illustration de Jérôme Maillet.
Lire plus

L’île inventée ; un projet foisonnant aux limites de la littérature

Le projet de livre L’île inventée débute alors que deux archéologues nantais font découvrir à l’écrivaine Christiane Vadnais un enregistrement audio, ou plutôt une « bulle sonore », venant d’un lieu éloigné et mystérieux. Elle y découvre l’histoire des résident.es d’une île où les humains et les plantes grandissent et vivent en symbiose, mais principalement le récit d’Andsie Lou, une insulaire qui se penche sur les contes et les ragots entourant son amie Charlotte Sémafore, journaliste et archéologue du son du XIVe siècle.