Au cours des dix dernières années, les Québécois.es ont emprunté à plus de 18 millions de reprises des livres numériques via le service Pretnumerique de Bibliopresto. Or, pour la plupart des gens, ces deux noms sont inconnus. C’est que les prêts se font surtout par le biais des sites web des bibliothèques municipales du Québec. Dans la province, elles sont 188 à avoir recours à ce service. Grâce au prêt de livres numériques, 885 000 personnes ont effectué au moins un emprunt depuis 2012. Et ce n’est pas l’offre qui manque : 1,5 million d’exemplaires sont disponibles au catalogue, du roman au recueil de poésie, en passant par l’ouvrage pratique ou encore le livre jeunesse.

Pretnumerique, c’est quoi?

Pretnumerique est un service qui permet d’emprunter pour un temps limité un livre numérique et de le lire soit sur une liseuse web ou à partir d’une application de lecture. Il est inclus dans l’abonnement à une bibliothèque locale ou à Bibliothèque et archives nationales du Québec. Outre les livres numériques, Pretnumerique offre aussi l’accès à des livres audio. Ce service est géré par Bibliopresto, un organisme à but non lucratif dont la mission vise à accompagner les bibliothèques dans leur offre numérique. Bibliopresto se trouve aussi derrière Biblius, la plateforme de prêt numérique pour les bibliothèques scolaires.

Deux façons permettent d’emprunter un livre numérique auprès de Pretnumerique : à partir du site web de la bibliothèque, lors d’une recherche pour un livre ou un livre audio ou encore directement sur l’application Pretnumerique. En 2022, 35% des abonné·es ont emprunté un item directement par le biais de l’application, une utilisation en nette progression.

Passion littérature québécoise

90% des prêts concernent des ouvrages québécois, même s’ils ne représentent que 60% des livres numériques achetés par les bibliothèques. Le public semble donc être friand de la littérature d’ici. « On a vraiment une surreprésentation des ouvrages québécois en prêt numérique », constate Jean-François Cusson, directeur général de Bibliopresto.

Et si on fait fi de la prévalence de la littérature québécoise, est-ce que les lecteur.ices ont les mêmes habitudes de lecture sur papier qu’en numérique? « Les emprunts sont sensiblement les mêmes : beaucoup de romans pour adultes. Par contre, ce qu’on remarque en numérique, c’est une surreprésentation de la romance. Peut-être que l’anonymat lors de l’emprunt ou la capacité de lire sur l’écran sans que personne ne voie la couverture autour de soi en favorise l’emprunt », avance Jean-François Cusson.

Top 10 des ouvrages les plus empruntés

  1. En as-tu vraiment besoin ? (Pierre-Yves McSween)
  2. La Servante écarlate (Margaret Atwood [seul titre non québécois, mais canadien])
  3. Kukum (Michel Jean)
  4. Du côté des Laurentides, tome 1 (Louise Tremblay-d’Essiambre)
  5. Histoires de femmes, tome 1 (Louise Tremblay-d’Essiambre)
  6. Une simple histoire d’amour, tome 1 (Louise Tremblay-d’Essiambre)
  7. Un homme meilleur (Louise Penny)
  8. Le Monstre (Ingrid Falaise)
  9. L’amour au temps d’une guerre, tome 1 (Louise Tremblay-d’Essiambre)
  10. Six minutes (Chrystine Brouillet)

Un coup de pouce de la pandémie pour faire connaître le service

Les lecteur.ices avides ont été bien dérouté·e·s avec la fermeture des bibliothèques durant les premiers mois de la pandémie de COVID-19. Toutefois, ce fut l’occasion pour plusieurs d’entre elleux de découvrir la lecture sur écran. « On avait déjà une croissance constante, mais la pandémie a réellement créé un pic de popularité. Depuis, la progression continue. Nous ne sommes pas retombés à des statistiques pré-COVID », explique Jean-François Cusson. Avec 8000 prêts par jour environ et 60 000 à 70 000 emprunteur.euses actif.ves par mois, la popularité du livre numérique ne se dément pas.

Du côté de la littérature jeunesse, le prêt numérique n’était pas très populaire jusqu’à ce qu’arrive la pandémie. L’habitude prise durant les mois de confinement perdura-t-elle? Jean-François Cusson s’attend qu’avec le service Biblius maintenant déployé dans toutes les écoles publiques du Québec, la lecture sur écran pour les jeunes se développe et percole auprès d’un public plus large. À long terme, ces jeunes auront peut-être aussi plus l’habitude d’emprunter des livres numériques. « D’après moi, on ne s’en va pas du tout vers une décroissance de la lecture numérique », estime le directeur général de Bibliopresto.

Pas de crainte pour le livre papier

L’augmentation de la popularité des prêts numériques ne devrait pas nuire au livre papier. Encore en 2019, plus 54 millions de documents étaient empruntés à travers le réseau des bibliothèques publiques du Québec. « Il faut garder en tête que dans les 10 dernières années, la consommation du livre papier n’a pas décru. Le lieu physique de la bibliothèque va rester important. Au cours des dernières années, la fréquentation des bibliothèques et les prêts de livres papier n’ont pas baissé (sauf durant la pandémie). Le prêt numérique est réellement une offre complémentaire », constate Jean-François Cusson. « On voit par contre une plus forte prévalence du prêt numérique pour les bibliothèques en milieu rural, où les distances entre les villages desservis par une même bibliothèque sont plus grandes et où les heures d’ouverture sont parfois plus restreintes. » L’avantage d’une bibliothèque virtuelle ouverte tous les jours à toute heure se démarque alors encore plus qu’en milieu urbain, où les services sont plus nombreux et plus facilement accessibles.

Jean-François Cusson souligne aussi l’importance des bibliothèques physiques comme lieu de développement de la littératie numérique. « Plusieurs bibliothécaires m’ont rapporté avoir reçu des usagers ayant un iPad encore dans son emballage demandant à se faire expliquer comment ça fonctionne. Ils et elles jouent un rôle essentiel en termes de formation, de soutien technique et de développement de la lecture de livres numériques. Ce ne sont ni les libraires ni les éditeurs qui offrent ce type de formation ou de service. »

Quelques nouveautés : le retour de documents numériques et le développement de l’accessibilité

Les prêts numériques sont chronodégradables, c’est-à-dire qu’ils échouent après la durée prévue du prêt. Toutefois, le nombre de prêts étant limités au sein d’un abonnement en bibliothèque, certain.es usager.ères ont demandé à avoir la possibilité de retourner le livre emprunté avant son terme, question de libérer à nouveau de l’espace afin de pouvoir consulter de nouvelles œuvres. Cette fonctionnalité est maintenant disponible!

Bientôt, les personnes passant directement par pretnumerique.ca et par l’application devraient aussi voir une différence dans la façon dont sont présentés les livres. « En ce moment, on a une plateforme qui reproduit le modèle de la bibliothèque physique. Par contre, les livres mis à l’avant sont les plus empruntés et, souvent, ils ne restent plus d’exemplaires disponibles, ce qui est assez frustrant. On veut revoir ce modèle », soutient Jean-François Cusson. L’interface pourrait donc ressembler un peu plus à ce qu’on trouve du côté des plateformes à abonnement du style Netflix.

Parmi les avancées à suivre, plusieurs s’annoncent du côté de l’accessibilité. Cette notion comprend toutes les adaptations faites aux livres numériques et aux livres audio pour rendre leur navigation et leur lecture accessible aux personnes ayant des difficultés de vision ou de lecture, que cette difficulté soit temporaire ou permanente. L’interface de Pretnumerique est donc en cours d’adaptation pour la rendre la plus accessible possible, tout comme la liseuse web disponible sur l’application. Ces améliorations devraient être mises à la disposition du public dès l’année prochaine. « On devrait aussi voir rapidement des avancées à l’intérieur même des livres numériques, croit Jean-François Cusson, parce que les nouvelles réglementations en Europe sont plus sévères au niveau de l’accessibilité. Pour pouvoir continuer d’exporter la littérature québécoise, les maisons d’édition d’ici suivront le pas. »

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